Un mode d’emploi est-il vraiment utile ?
Allez je suis sûr que vous aussi quand vous achetez un nouvel appareil vous vous moquez complétement du manuel d’utilisation. En même temps a-t-on vraiment besoin de perdre notre temps lorsqu’on achète une bouilloire électrique pour savoir qu’il faut brancher l’appareil et appuyer sur le bouton pour que ça chauffe ? C’est bien souvent assez intuitif. Et bien figurez-vous que la raison d’être d’une notice questionne la science. Ca a en tout cas intéressé le Dr Blackler et ses collègues, chercheur.e.s de Queensland University of technology en Australie qui publient leur étude « Life is too short to RTFM [Read The Field Manual] : How users relate to documentation and excess features in consumer products » dans le journal « Interacting with computers » en 2016 (Blackler, Gomez, Popovic, & Thompson, 2016).
Le constat est sans appel, nous nous contre fichons des manuels d’utilisation. En effet très peu d’entre nous lise ces manuels, ils sont vus comme rébarbatifs, comme n’apportant aucune aide (le comble !), compliqué et bourrés d’informations inutiles… bref pas de quoi passer le samedi. D’autant qu’instinctivement nous aurions tendance à tenter de découvrir les fonctionnalités de l’objet par nous-même, via de potentielles erreurs de manipulations. Nous n’ouvririons le manuel d’utilisation qu’en dernier recours.
Même les notices dématérialisées sur Internet, les forums n’ont pas forcément la côte, considéré comme une perte de temps.
Toutefois, ceux-ci sont nécessaires pour les nouveaux objets, de plus en plus compliqués et sur lesquels les fonctionnalités s’accumulent. Il n’y a qu’à voir nos ordinateurs, portables, objets connectés en tout genre, … une cafetière classique qui ne fait « que » le café est presque devenue un objet d’un autre temps.
Les chercheur.e.s soulèvent cependant une contradiction, nous n’utilisons jamais l’ensemble des fonctions d’un objet et ce quel que soit les catégories de personne étudiées lors de différentes enquêtes auprès de 170 personnes : hommes, femmes, diplômé.e.s, non diplômé.e.s, vieux, jeunes,… et n’utilisons pas la notice pour s’approprier ces nouvelles fonctions. Une exception semble se détacher pour le matériel informatique pour lequel nous prêtons plus d’attention aux instructions.
Nous nous attachons à comprendre l’usage premier que nous voulons faire de l’objet sans pour autant explorer de nouvelles fonctionnalités que nous offrirait cet objet.
Alors pourquoi mettre en vente ces appareils si compliqués si ça ne sert à personne ? Pourquoi des ingénieur.e.s, des technicien.ne.s travaillent d’arrache-pied pour ajouter encore plus d’options sachant qu’elles resteront parfois inconnues du grand public ? Et bien tout simplement parce que nous les achetons et nous préférons même acheter un produit surchargé en option plutôt sa version épurée de toute option bonus. L’étude souligne que nous nous sentons peut-être plus intelligent avec un objet surchargé de fonctionnalité mais si nous n’en avons pas l’utilité. Ceci nous encourage également à payer plus cher si tant est qu’on en ait pour notre argent. Enfin le sentiment de « on ne sait jamais ça peut servir » est également fréquent et explique nos achats parfois insensés.
Alors quel avenir pour les modes d’emploi, notice d’utilisation, manuels ? Internet, bien qu’ayant révolutionné beaucoup de choses n’apparait pas comme une solution miracle aux yeux des personnes interrogées. Les instructions restent austères, peu accessibles, parfois payante comme le pratique Apple par exemple. Toutefois les démonstrations animées, des tutoriels semblent rassembler un peu plus de suffrages. Ils permettent d’associer instruction et action et de pouvoir constater le résultat attendu. La notice d’utilisation « classique », papier, n’a, aux yeux des chercheur.e.s plus de raison d’être sous cette forme. Les industriels doivent réinventer leur manière d’assister les acheteurs dans l’utilisation de leur produit, évitant les évidences et favorisant le caractère intuitif.
Les auteur.e.s mentionnent, concernant les acheteurs, un exemple assez criant concernant nos contradictions : si l’on achète une cuisine simple il est plus probable que nous l’utilisions entièrement alors que nous utiliserons peu de fonctionnalité d’une cuisine complexe. Cela questionne évidemment notre mode de consommation, avide de fonctionnalité dont nous ne nous servons pas. Cela induirait même un sentiment négatif envers l’objet. Un objet utilisé dans son entièreté entrainerait plus de satisfaction quant à son utilisation.
Alors si effectivement les notices ne sont pas forcément utiles dans beaucoup de cas, il incombe à nous, consommateurs de ne pas surconsommer de nouvelles fonctionnalités parfois farfelus et qui ne nous apportent rien si ce n’est un sentiment de paraitre plus agréable, au détriment de notre environnement…