Conception d’une Serre Lunaire – Partie 1
Lucie Poulet1 (chercheuse) et la classe de 4ème S1 du collège La Présentation de Marie de Mme Chéhili, Mme Lelong et M. Marin2 (la liste des élèves est mentionnée en fin d’article)
Article original/Original article: Conrad Zeidler, Vincent Vrakking, Matthew Bamsey, Lucie Poulet, Paul Zabel, Daniel Schubert, Christel Paille, Erik Mazzoleni, Nico Domurath, Greenhouse Module for Space System: A Lunar Greenhouse Design, Open Agriculture, Volume 2, Issue 1
Institution : 1NASA Kennedy Space Center – USRA, Floride, USA
2Collège La Présentation de Marie, 162 Rue Maréchal Joffre, 13300 Salon-de-Provence, France
Résumé :
Le ravitaillement des futurs équipages sur la Lune ou Mars et la provision de nourriture fraîche se compliquent avec l’allongement des durées des missions. Une serre entièrement intégrée dans la base permettrait aux astronautes de faire pousser leurs propres fruits et légumes et ainsi d’être plus indépendants de la Terre. Cet article présente la conception et le fonctionnement dans son ensemble d’une telle serre, située au pôle Nord de la Lune, de son architecture, à son transport vers la surface lunaire, sans oublier l’organisation des cycles de culture pour une production de plus de 4100 kg de légumes frais sur les 24 mois de la mission, ainsi que ses besoins en masse, énergie et eau.
Mots clés : Lune ; Plantes ; Serre
I. Introduction
- Qui est à l’origine de ce projet ?
- MELISSA (Micro-Ecological Life- Support System Alternative) de l’agence spatiale européenne (ESA).
- A qui l’agence européenne confit-elle l’étude de ce projet ?
- Au centre aérospatial allemand (DLR).
- Quels sont les objectifs de cette étude ?
- Réaliser tous les calculs pour obtenir les mesures exactes de ce module de Serre Lunaire qui devra s’intégrer dans une base lunaire déjà existante.
- Envisager la possibilité du recyclage de l’eau et de l’air.
- Une Serre Lunaire, oui mais pourquoi faire ?
- Cette serre permettrait 100% de la production des besoins alimentaires d’un équipage de six personnes pour une période de 655 jours et 17h00, durée correspondant à 2 « années lunaires ».
- Diminuer le ravitaillement d’une base lunaire en oxygène, eau et nourriture.
- Quel serait son positionnement géographique ?
- Sur le bord du cratère Peary : Cratère le plus proche du pôle Nord lunaire (entre 89,34° et 89,39° de latitude N et 126,21° et 131,09° de longitude) permettant ainsi un éclairement naturel presque constant (Figure 1).
- Quelle est la production envisagée ?
- 33 kg de blé tendre
- 31 kg de blé dur
- 25 kg de soja
- 41,2 kg de pommes de terre
- 38,8 kg de riz
- 1 kg de laitue
- 2,2 kg de betteraves
II. Parlons architecture
1. Description du module / noyau
Le noyau est cylindrique et comporte trois étages. Toutes les connexions du noyau aux pétales (fluide de refroidissement, eau d’irrigation, tuyaux d’air, d’électricité, couloirs) peuvent être fermées hermétiquement (complètement, ne laissant passer ni air ni liquide) (Figure 2).
Niveau supérieur du noyau central
- Quatre systèmes de gestion de l’air, indépendants les uns des autres, chacun connecté à un pétale, et un plus petit pour le noyau central ;
- Système de pressurisation (système qui maintient une pression atmosphérique normale), qui inclut un stockage des différents gaz et un compresseur ;
- Interface, limite commune avec le système de capture de la lumière et les fibres optiques, fils en verre ou en plastique qui conduisent la lumière aux pétales.
Niveau intermédiaire
- Système pour le traitement complet des récoltes ;
- Système de commande et de traitement des données ;
- Bureaux ;
- Accès aux différents pétales pour les astronautes.
Niveau inférieur :
- Deux couloirs indépendants vers le module d’habitation. En cas de problème de pressurisation dans un couloir, le deuxième reste utilisable ;
- Système de distribution des nutriments (qui inclut les réservoirs de stockage) ;
- Système de contrôle de la température ambiante ;
- Système de contrôle et de distribution de l’électricité.
2. Des pétales comme lieu de culture des plantes
Quatre pétales fonctionnent comme des chambres de culture. Ils sont indépendants les uns des autres et ont une configuration identique. Leurs conditions environnementales (température, taux d’humidité, …) sont adaptées aux espèces qui y sont cultivées (Figure 3). Au centre un couloir central qui dessert, de chaque côté, des étagères sur lesquelles poussent les plantes. Une plateforme mobile permet d’accéder aux étagères les plus hautes. En bas des étagères se trouvent les réservoirs de nutriments et les pompes ainsi que le système d’échange entre le noyau central et les pétales.
Disposition dans les pétales (Partie supérieure, Figure 4)
- Couloir central de 1.2 m ;
- Étagères de chaque côté sur lesquelles poussent des plantes ;
- Plateforme mobile permettant d’accéder aux étagères les plus hautes ;
- Sas à l’entrée (pièce étanche qui sépare l’atmosphère des pétales de celle du noyau central).
Disposition dans les pétales (Partie inférieure) :
- Réservoirs de nutriments ;
- Pompes ;
- Interfaces entre le noyau central et les pétales ;
- Stockage d’outils divers.
3. Interfaces entre la serre et la base lunaire ?
L’échange principal est situé dans la partie supérieure des couloirs (Figure 5) reliant la serre au module. Ce couloir comprend les conduites de fluides de refroidissement, les conduites de CO2 concentré, les conduites d’air venant de la cabine (enrichi en CO2 à cause de la respiration des astronautes (1)), les conduites d’air sortant des pétales (enrichi en dioxygène grâce à la photosynthèse des plantes (2)), les lignes électriques, les lignes de données et les lignes d’eau douce.
III. Le « Space Launch System » comme moyen de transport
La NASA travaille actuellement sur le « Space Launch System », car c’est le lanceur qui possède la plus grande capacité de charge utile. De plus il a l’énorme avantage de permettre la mise en orbite de la serre en un seul lancement.
Les dimensions de la serre ont d’ailleurs été calculées en fonction de la place possible dans le lanceur. La capacité de charge utile est de 70 à 130 tonnes (environ une dizaine d’éléphants), avec une coiffe d’environ 8,4 m (deux girafes adultes) x 17,3 m (1 baleine adulte) (Figure 6).
Une fois en orbite, un véhicule de transfert pourra récupérer la serre et l’emporter jusqu’à la base lunaire (Figure 7).
Les ingénieurs ont tout de même réfléchi à économiser un maximum d’espace, rendant possible l’emballage des pétales de culture, qui ont la particularité d’être gonflables, autour du noyau. L’intérieur du noyau de la serre pourra abriter ses propres systèmes préinstallés ainsi que tout le matériel nécessaire aux plantations. Des fixations seront utilisées pour maintenir les pétales et les couloirs déployables lors des phases de lancement et de transfert.
En arrivant sur la Lune des plaques rigides vont être coupées permettant ainsi le déploiement de la serre. Les pétales vont alors se gonfler et l’intérieur sera rigidifié grâce à un squelette en aluminium. Ainsi la serre deviendra rigide. Et voilà maintenant tu sais comment se passera l’acheminement de ce projet.
IV. De la nourriture sur la lune ?
1. Est-ce que j’aurai assez à manger ?
- Comment se nourrir sur la Lune ?
- Pour que les astronautes puissent se nourrir sur la Lune (ce qui permettrait de ne pas emmener trop de nourriture avec eux), il faut d’abord planter des graines (riz, pomme de terre, soja, blé dur et tendre) dans des pétales de culture présentés précédemment.
- Est-ce que cette production par cycles est faisable ?
- Oui, une production par cycles est faisable car les plantes sélectionnées peuvent être stockées de plusieurs semaines à plusieurs mois après le moment de la récolte (Figure 8).
- Existe-t-il des plantes cultivées en alternance ?
- Oui certaines plantes sont cultivées en alternance (comme la pomme de terre et le riz) dans la sphère 4.
- Que permet le fait d’avoir un seul type de plante par sphère à la fois ?
- Cela permet de perfectionner les conditions environnementales de cette culture, ce qui entraîne une production de masse par les plantes plus élevée par cycle.
- Dans le Tableau 1, on voit la quantité produite envisagée pour chaque plante par jour, cycle et en tout dans la mission.
- Dans le Tableau 2, nous voyons la quantité de dioxygène produit et de dioxyde de carbone consommé par jour, par cycle et par mission. Les laitues et les betteraves n’apparaissent pas dans les tableaux car elles sont produites sur de petites surfaces en raison de leurs besoins en production relativement faibles. Elles sont cultivées en tandem avec les cultures dont nous venons de parler dans un pétale donné.
2. Et combien ça coûte ? Parlons kilos…
L’installation d’une serre lunaire demande une bonne évaluation de sa masse et de sa consommation électrique.
La marge d’erreur pour les systèmes ayant une technologie connue et déjà utilisée est de 5% (par exemple : les panneaux de LEDs et leurs systèmes de refroidissement en eau). Pour les systèmes utilisant une technologie en cours de développement, comme les collecteurs de lumière solaire transmise par fibres optiques (la fibre optique est un câble qui permet de propager des ondes lumineuses entre deux lieux), la marge d’erreurs est de 10%.
En revanche pour les systèmes utilisant une technologie encore jamais testée, la marge d’erreurs augmente, elle est de 20%. Exemple : le système de déploiement des pétales (étalement des pétales de cultures). De plus, en tenant compte de ces trois pourcentages de marge d’erreurs des différents systèmes, une marge supplémentaire de 20% a été appliquée sur leur ensemble. La consommation électrique est de 418 kW (Figure 9 gauche). La masse totale est en tout de 95 tonnes, ce qui rentre dans les critères du lanceur de la fusée (Figure 9 droite). Quant à l’eau il faut 29 tonnes qui peuvent être amenées depuis la Terre ou produite directement sur la Lune, pour assurer le fonctionnement complet de la serre, des plantes mais également des systèmes de refroidissement. Certes une quantité importante d’eau est déjà incluse dans le voyage mais ces 29 tonnes ne suffisent pas, l’apport d’eau depuis la Terre sera une obligation à moins de trouver un moyen d’en produire sur la Lune.
V. Conclusion
La première partie traite de la partie architecturale et le fonctionnement d’ensemble de la serre lunaire. Le projet propose une structure hybride gonflable-rigide, qui serait reliée à une base lunaire plus large. Le but de cette serre serait de pouvoir nourrir 6 membres d’équipage, sur une mission de 24 mois.
Ont participé au travail d’écriture de cet article, en collaboration avec Lucie Poulet, chercheuse en génie des procédés, (par ordre alphabétique) : ALBIGES Cyrielle, BARAS César, BERNARD Lorenzo, BONNELLE Robin, BRUNEL Héloïse, COUDERC Nguissine, COUDERC Sacha, DEPAQUIS Océane, DHERS Coralie, DINLEMEZ Karim, DJAMANE Danaé, DUCARNE Nicolas, DUFOUR Léo, EYNARD Adam, FOURNIER Ewan, FRICHOT Calixte, GRESLE Benjamin, LE CLEC’H Gaël, LEDUC Maxence, LEOCADIE Clara, MACKE Ambre, NADOUCE Lisa, NAVARRE–GAROT Tristan, PEREZ Gabriel, PEREZ Marie, PETETIN Laura, RAGUET Sarah, RAVENET Amélie, SABATY Marylou, SAUZEAU–CANCRE Fabian, SZEPESSY Ivan, TALARICO Serena.
Comment citer cet article : Lucie Poulet et la 4ème S1 du collège La Présentation de Marie (Salon de Provence (FR)), Conception d’une Serre Lunaire – Partie 1, Journal DECODER, 2021-06-30.