Les mésanges, un langage familier : Les mésanges d’espèces et lieux différents peuvent-elles communiquer entre elles ?
Ambre Salis1 (doctorante) et les classes de 2nd 5 du Lycée Jacques Brel (Vénissieux) de Mme Perrissin2 et Mr Rodriguez2(la liste des élèves est mentionnée en fin d’article)
Article original/Original article: Salis Ambre, Léna Jean‐Paul, et Thierry Lengagne. « Great tits (Parus major) adequately respond to both allopatric combinatorial mobbing calls and their isolated parts ». Ethology 127, no 3 (2021): 213‑222.
Institution : 1 Univ Lyon, Université Claude Bernard Lyon 1, CNRS, ENTPE, UMR 5023 LEHNA, F-69622, Villeurbanne
2 Lycée polyvalent Jacques Brel, 2 rue Albert Jacquard ,69200 Vénissieux
Résumé :
Face à un prédateur, la mésange charbonnière peut le harceler afin de le faire fuir. Dans cette situation, des cris spécifiques sont émis pour attirer des individus de son espèce et d’espèces différentes. Nous testons la réponse de la mésange charbonnière Parus major à une espèce étrangère provenant du continent américain, la mésange à tête noire Parus atricapillus. La mésange charbonnière répond avec autant de vigilance à ses propres cris qu’aux cris de la mésange à tête noire. Sa réponse en termes d’approche est cependant moins forte que face à des cris de sa propre espèce. Nous interprétons ce comportement comme une baisse d’investissement lorsque le signal écouté est potentiellement moins fiable. La mésange charbonnière semble donc capable de reconnaître un cri inconnu.
Mots clés : communication ; comportement ; harcèlement ; inter-espèce ; mésanges
I. Introduction
Une expérience a été menée sur la communication inter-espèce* des mésanges. Un de leur principal mode de communication est le mobbing*. Il correspond à un cri de « harcèlement » visant à repousser les prédateurs en groupe.
Exemple de cris de mobbing* de mésanges :
Nous pouvons constater que les cris de mobbing* des deux espèces de mésanges sont différents (Figure 1). Nous pouvons alors nous demander si ces deux types de mésanges reconnaissent leurs cris.
II. Méthodes
Afin de répondre à cette problématique, nous avons réalisé un ensemble d’observations en émettant des enregistrements en présence de mésanges charbonnières tout autour de Lyon (France).
Nous réalisons des mesures témoins :
- Contrôle 1 : émission d’un bruit de fond (les enceintes qui grésillent)
- Contrôle 2 : émission d’un chant d’un pinson (autre type d’oiseau et autre type de communication)
Ces contrôles ont pour objectifs de voir si les mésanges charbonnières réagissent aux moindres sons (bruit de fond) et/ou chant d’un autre oiseau (chant du pinson).
S’il y a réaction à ces contrôles, alors cela montrera que les mésanges charbonnières ne « comprennent » pas spécifiquement les cris de mobbing* d’autres espèces.
Nous réalisons également des mesures tests :
- Test 1 : émission d’un cri de mobbing* d’autres mésanges charbonnières (Europe)
- Test 2 : émission d’un cri de mobbing* de mésanges à têtes noires (Etats-Unis)
Ce que nous allons mesurer et analyser : les scans permettent à l’oiseau de repérer la source du cri et du stress.
- les scans permettent à l’oiseau de repérer la source du cri et du stress.
- l’approche près de la source correspond à l’action de harcèlement contre un possible prédateur pour le chasser.
III. Résultats et analyses
1. Etude de la vigilance
Nous constatons que les mésanges charbonnières réagissent peu aux différents contrôles (Figure 2). Cependant, elles réalisent beaucoup de scans aussi bien avec un cri de mésanges de la même espèce (mésanges charbonnières) qu’avec un cri de mésanges d’une autre espèce (mésanges à têtes noires, Figure 2).
2. Etude de l’approche
Nous constatons qu’il y a très peu de réactions aux contrôles (Figure 3). Par contre, il y a une différence d’approche selon l’espèce émettant le cri : les mésanges charbonnières approchent beaucoup plus en réponses à leurs propres cris par rapport à ceux des mésanges à tête noires (Figure 3).
IV. Conclusion
Nous pouvons dire que les mésanges charbonnières répondent aux cris de mobbing* des mésanges à têtes noires. Cependant leur réaction est moins intense que face à leur propres cris. En effet, elles ont le même niveau de vigilance pour leurs propres cris que face à ceux d’une autre espèce. Elles se mettent donc en état d’alerte. Néanmoins, sur la phase d’approche, les mésanges charbonnières prennent moins le risque de s’approcher de la zone de danger. On peut supposer qu’elles reconnaissent le cri des mésanges à têtes noires comme étant différent du leur et ne se mettent pas en danger pour une autre espèce (présence potentielle d’un prédateur).
Nous pouvons donc en conclure que les mésanges d’espèces différentes et inconnues peuvent communiquer entre elles et se comprendre, bien que leur réponse soit moins forte.
Lexique : Inter-espèce* : entre deux ou plusieurs espèces différentes Mobbing* : cri de harcèlement visant à repousser les prédateurs en groupe. Spectrogramme* : Représentation graphique des fréquences et de l’amplitude d’un son. |
Références :
Salis, A., Léna, J., & Lengagne, T. (2021). Great tits (Parus major) adequately respond to both allopatric combinatorial mobbing calls and their isolated parts. Ethology, 127(3), 213‑222.
Ont participé au travail d’écriture de cet article, en collaboration avec Ambre Salis, doctorante en écologie (par ordre alphabétique): Iles BEKKOUCHE ; Manel FILALI-IDRISSI
Comment citer cet article : Ambre Salis et la 2nde5 du lycée Jacques Brel (Vénissieux (FR)), Les mésanges, un langage familier : Les mésanges d’espèces et lieux différents peuvent-elles communiquer entre elles ?, Journal DECODER, (2022-07-01)