Le réchauffement climatique a-t-il un impact sur la diversité des écosystèmes maritimes européens ?

Le réchauffement climatique a-t-il un impact sur la diversité des écosystèmes maritimes européens ?

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Aurore Receveur1, et la classe de Seconde 3 du lycée Jacques Brel de Mr Julien Rodriguez2 (la liste des élèves est mentionnée en fin d’article)

Article original/Original article: Receveur, A., Leprieur, F., Ellingsen, K.E., Keith, D., Kleisner, K.M., McLean, M., Mérigot, B., Mills, K.E., Mouillot, D., Rufino, M., Trindade-Santos, I., Van Hoey, G., Albouy, C., Auber, A., 2024. Long-term changes in taxonomic and functional composition of European marine fish communities. Ecography 2024, e07234. https://doi.org/10.1111/ecog.07234.

Institution :  1CESAB – FRB, Montpellier, France.

 2Lycée Polyvalent Jacques Brel, 2 rue Albert Jacquard – 69200 Vénissieux.

Résumé : Cet article nous présente l’impact du réchauffement climatique sur les différentes espèces de poissons présentes dans les mers européennes durant les 20 dernières années.

Mots clés : diversité taxonomique, espèces, pêche, écosystème.

I. Introduction 

Dans cet article, nous analyserons l’impact du réchauffement climatique sur les assemblages de poissons démersaux européen pendant les 26 dernières années afin d’adopter une pêche plus durable. Pour cela, nous étudions la diversité taxonomique et fonctionnelle des espèces au cours du temps et dans l’espace, en nous concentrant sur leurs traits de vie, notamment l’âge et la taille à maturité ainsi que les soins parentaux.

II. Méthode

Les données utilisées pour cette étude ont été récoltés lors de chaluts de fond (environ 30000) dans les zones suivantes entre 1983 et 2020 :

Ici un point correspond à un chalut et que la couleur correspond à une campane scientifique spécifique, où parfois plusieurs campagnes couvrent la même région.

Au cours de cette étude nous nous intéressons à l’évolution des espèces via différents traits de vie les caractérisant :

Caractéristiques étudiées Unité de mesure Description Information révélée Exemples 
Longueur à maturité sexuelleCentimètreLongueur à laquelle 50 % de la population est matureLa croissance, le métabolisme et la position dans la chaîne alimentaireDe 0 à 400 cm
Age à maturité sexuelleAnnée(s)Age à laquelle 50 % de la population est matureLa croissance, le renouvellement de la population et la vitesse de maturitéDe 0 à 25 ans
Facteur de croissancePar année(s)La vitesse à laquelle ils atteignent leur taille maximaleLa croissanceDe 0 à 6 par ans
Niveau de position dans la chaîne alimentaireComptage simpleCe qu’il mange et par qui il est mangéImpacte sur les autres espèces et l’environnementDe 2 à 5
Soins des œufsEst-ce que le poisson adulte prend soin de ses petits ou garde le nidLe niveau de soin apportés par les parents à leurs œufs.Nombres d’œufs, soins des bébés, séparation des jeunes100 œufs, peu d’attention parentales haute mortalité.

Les stratégies K et R sont des modes de vie du développement des poissons.

Caractéristiques des poissons de stratégie K : croissance lente, maturité sexuelle tardive, grande taille, longue durée de vie, soins parentaux aux jeunes et faibles descendances.

Caractéristique des poissons de la stratégie R : croissance rapide, maturité prématurée, taille réduite, durée de vie courte, peu ou pas de soins parentaux et forte descendance.

Et certaines caractéristiques de leur environnement :

Caractéristiques étudiéesUnité de mesureDescriptionInformation révélée
Teneur en OxygènePourcentage d’oxygène dans l’eauQuantité d’oxygène contenu dans l’eauQualité de l’eau et de son apport aux espèces présentes
Teneur en ChlorophyllePourcentage de chlorophylle dans l’eauPrésence de chlorophylle en abondance ou non.Essentiel à la photosynthèse, qualifie la qualité de l’eau.
SalinitéPourcentage de sel dans l’eauPrésence de sel en abondance ou non.Conditionne la présence de certaines espèces
Courant de fondMètre par secondePuissance des courants marinsAide à la migration, l’alimentation et la survie des espèces
ProfondeurMètreProfondeur à laquelle vivent les espèces considéréesConditionne la présence de certaines espèces

Une fois collectés, ces données sont analysées afin de déterminer les tendances d’évolutions dans les différentes mers européennes à l’aide de modèle mathématiques complexes.

III. Résultats

1. Schémas spatiaux

Sur les graphiques ci-dessous chaque chalut est représenté par un point coloré dans la couleur correspondante à la mer dans laquelle il a été effectué on remarque ainsi que :

  • Au niveau taxonomique, on retrouve donc d’énorme différences. En effet les points se superposent peu entre les différentes mers. Il existe donc une grande diversité d’espèce entre les mers européennes.
  • Au niveau fonctionnel a contrario, les chaluts se superposent, les poissons ont donc des rôles semblables dans leurs écosystèmes respectifs et une répartition de ces rôles globalement similaire.

Répartition taxonomique

Répartition fonctionnelle

2. Schémas temporels

Les changements dans la variété taxonomique diffèrent selon les régions.

       Par exemple, la plie a augmenté au cours des dernières décennies dans la mer Baltique et dans la mer Celtique, tandis que le dragonnet commun a augmenté dans la mer Baltique, la mer du Nord et la mer Celtique.

       La diversité fonctionnelle a aussi changé dans les régions. Les poissons de la mer Baltique et de la mer du Nord sont désormais dominés par des espèces à stratégie R, telles que les gobies. Tandis que dans la mer Celtique, des espèces à stratégie K et de haut niveau trophique comme le cardine franche, le Saint-Pierre ou le requin-chabot commun ont augmenté.


Cardine franche

Saint Pierre

Requin Chabot

Parmi toutes les écorégions européennes, la mer Méditerranée a montré quant à elle une stabilité dans sa composition fonctionnelle au cours des trois dernières décennies, sans grands changements significatifs.

Bien qu’il s’agit de la première étude sur le sujet de cette envergure elle met en évidence que les facteurs influençant ces changements sont multiples.

       Les changements de température ont fortement impacté les communautés de poissons. Les régions qui se sont réchauffés les plus vite (mer du Nord mer Celtique…) ont évolué vers une prédominance de poissons à stratégie R. Ces espèces possédant une résilience plus forte sur le long terme.

       Cette étude démontre également que dans des zones où le réchauffement est moins rapide (golfe de Gascogne, côte Ibérique), les poissons à stratégie K ont pu prospérer. Les raisons qui expliquent cela restent hypothétiques la proximité de la mer méditerranée ou les efforts de pêches de ces dernières décennies peuvent en être la cause.

       L’oxygène reste un paramètre important mais difficile à interpréter, néanmoins on peut supposer que les eaux pauvres en oxygènes ont été sources de stress pour les différentes espèces et particulièrement pour celles vivant à une profondeur importante.

       On en déduit que la température de la mer, la salinité de surface et la concentration de chlorophylle-a ont été la source des migrations géographiques, tandis que l’oxygène et la température ont influé sur leur répartition dans le temps.

IV. Conclusion

Cette étude souligne l’importance d’une approche globale pour la gestion de la diversité des poissons, en intégrant divers indicateurs écologiques. Bien que certaines dimensions, comme la diversité liée à l’évolution et l’impact de la pêche, n’aient pas été pleinement explorées, elles méritent d’être approfondie. Une meilleure compréhension des dynamiques écologiques et l’utilisation de mesure alternative pourraient aider à renforcer la résilience des écosystèmes marins et à améliorer la gestion durable des pêcheries.

Lexique:
Traits de vie : caractéristiques biologiques d’un poisson, qui influence sa survie et sa reproduction ;
Diversité taxonomique : le nombre d’espèce différentes dans un milieu.
Diversité fonctionnelle :  Différence entre les espèces selon leur façon de vivre et de se nourrir.
Résilience : Capacité (d’un écosystème, d’une espèce) à retrouver un état d’équilibre après un évènement exceptionnel.

Ont participé au travail d’écriture de cet article, en collaboration avec Julien Ailloud, chercheur en psychologie (par ordre alphabétique) : AMEUR Adel, AOUDIA Kalim, ASMOUNI Noor, BA Diarga, BANCION–FAUNY Tho-mas, BEKRENTCHIR Rawda, BEN ABBAS Ines, BEN MESSAOUD Marwa, BOUR-CHADA Sarah, CAPINARU Maïssa, CHENNAF Assma, CHRIF Maïssane, CONTE Rani-Marine, DAVID Juno-Medusa, DEBKA Maria, GRASSA Yassine, HARNAFI Yasmina, KRI-FA Hella, MAHI Nadia, MANSOURI Dalinda, MOUILA Maelys, OZCELIK Talha, SAIB Celina, SAMBEDJA Aymane

Cet article fait partie du projet de recherche MAESTRO : http://www.fondationbiodiversite.fr/la-frb-en-action/programmes-et-projets/le-cesab/maestro/‌.

Comment citer cet article : Aurore Receveur et la Seconde 3 du lycée Jacques Brel (Venissieux, FR), Le réchauffement climatique a-t-il un impact sur la diversité des écosystèmes maritimes européens ? Journal DECODER, 2025-10-15