Contre l’injustice, les poupées Vaudou !
Avouez le, on en a rêvé de la poupée Vaudou qui nous permettrait de nous venger à distance. Et si on n’y croit pas, au mois cela nous soulage. Ce comportement, qui peut paraître primaire a beaucoup intéressé les scientifiques et notamment l’équipe du Dr Liang (Liang et al., 2018). Et bien, c’est maintenant prouvé, la vengeance sur une poupée Vaudou répare les injustices. C’est en tout cas une des conclusions de leur article paru dans le journal d’économie “The leadership Quaterly” publié en 2018 et intitulé “Réparer une injustice : la vengeance sur une poupée Vaudou, symbolisant un.e supérieur.e abusif, répare les injustices” (“righting a wrong: Retaliation on a voodoo doll symbolizing an abusive supervisor restores justice”).
Il est en effet tentant pour un subordonné de se “venger” après un comportement abusif de son.sa supérieur.e. Un comportement est considéré comme abusif car humiliant, maltraitant, considérant un subordonné comme un souffre douleur. Il est non physique mais déclenche chez la victime de l’hostilité à son égard. En réponse à cela, les subordonnés cherchent à réparer cette injustice, via un acte visant à induire des effets néfastes chez le.la supérieur.e injuste. Cependant, cette vengeance peut être dommageable pour les deux parties, via une escalade de violence, d’actes d’abus. Bien entendu, selon les actes de vengeance, la victime d’humiliation pourrait être traduite en justice et son comportement serait alors contre productif.
Toutefois, la vengeance semble être un comportement qui permettrait à la victime de réparer son sentiment d’injustice et c’est ce que l’équipe de Dr Liang ont voulu tester. En effet, la justice est un sentiment très fort et universel à la base de comportements évolutifs amenant la coopération, cruciale à la survie de l’espèce humaine. Ceci est vérifiable physiologiquement, des récompenses justes activent des zones du cerveau relatives au processus de récompenses, inactivées lors des cas d’injustice. Ce comportement permettrait alors de “laver son honneur” et donc de restaurer une justice sociale et psychologiquement acceptable.
L’hypothèse testée par le groupe de chercheur.se a donc consisté à dire que la vengeance permet de diminuer le ressentiment et les comportements négatifs entre subordonné.e et supérieur.e après un acte abusif. Plus la vengeance est forte moins le ressentiment est important.
Un panel de sujet a donc participé à une expérience. Il leur a été demandé de compléter 5 fragments de mots, partir d’une syllabe, selon ce qui leur venait à l’esprit. La nature de ces mots a ensuite été analysée comme relatif à l’injustice ou non, cela afin d’évaluer la perception de chacun de l’injustice. Ils ont ensuite été divisés en 3 groupes nommés :
- Supérieur abusif/ pas de vengeance
- Supérieur abusif/vengeance
- Et le groupe contrôle (pas de supérieur abusif et donc pas de vengeance)
Au 2 premiers groupe il a été demandé de se remémorer et de visualiser une interaction abusive avec leur supérieur.e. Puis, une poupée vaudou numérique leur a été proposée pour simuler une vengeance. La poupée vaudou est un outils permettant de symboliser une personne, et donc de symboliquement lui faire du mal. Les personnes du groupe simulant la vengeance ont du nommer cette poupée avec les initiales de leurs supérieur.e.s et utiliser les différents outils numériques (aiguilles, pinces, feu,…) sur la poupée pendant 1min. Pour le groupe “Supérieur abusif/ pas de vengeance”, les cobayes devaient nommer la poupée “personne” et dessiner avec la souris le contour de la poupée, toujours pendant 1min, uniquement.
Les résultats montrent que les personnes qui n’ont pas eu l’occasion de se venger malgré le souvenir d’un moment d’abus ont un plus fort sentiment d’injustice que les autres alors que ceux ayant pu se venger à traver la poupée vaudou ne montrent pas un plus fort sentiment d’injustice que le groupe contrôle (Fig 1). Les chercheurs en ont donc déduit que la vengeance avait un rôle “réparateur” auprès des victimes, qui leur permet d’atténuer considérablement leur sentiment d’injustice.
Ces résultats contredisent une vision plus communément admise dans la littérature scientifique, ramenant la vengeance à un comportement relatif à un dysfonctionnement et comme un aveu de faiblesse. Il serait uniquement irrationnel et résulterait d’un manque de contrôle de soi. D’autres travaux dont celui-ci, soulignent à contrario, que la vengeance correspondrait plutôt à un moyen de restaurer la justice après des situations d’abus. Ce comportement ferait alors parti du panel de réactions nécessaire à notre survie.
Dans cette étude, les auteurs reconnaissent que seule la poupée vaudou comme moyen de vengeance a été testé mais que certaines personnes expriment différemment ce sentiment : la rancune, le pardon peuvent aussi avoir des effets psychologiques bénéfiques pour la victimes. Une des perspectives à l’étude serait donc aussi de tester différents moyens de restaurer le sentiment de justice.
Il ne faut cependant pas se méprendre sur les conclusions de cette étude. Comme le rappellent en conclusion les auteurs, l’objectif n’est pas de conseiller aux supérieur.e.s de tolérer ou encourager ces comportements de vengeance, excusant ou réparant ainsi la souffrance psychologique infligée aux subordonné.e.s mais plutôt de prévenir ce sentiment chez les employé.e.s. La tolérance zéro vis à vis des abus est alors préconisée. Ces comportements de vengeance doivent être sérieusement considérés par les supérieur.e.s car révélateurs d’injustices perçues par leur subordonné.e.s, la vengeance n’étant pas un comportement déviant mais bien une réponse psychologique à une agression psychologique dans le cas de l’étude.
Référence :
Liang, L. H., Brown, D. J., Lian, H., Hanig, S., Ferris, D. L., & Keeping, L. M. (2018). Righting a wrong: Retaliation on a voodoo doll symbolizing an abusive supervisor restores justice. The Leadership Quarterly, 29(4), 443‑456. https://doi.org/10.1016/j.leaqua.2018.01.004