Le mystère de la peau de banane enfin élucidé

Le mystère de la peau de banane enfin élucidé

Les articles de cette rubrique ont pour objectif de parler d’étude dont le sujet, le titre intriguent mais aux problématiques très appliquées à une question de société. Celui-ci n’a d’autres but que d’apporter les bases scientifiques à l’une des blagues les plus connues du monde, rien de plus.

Les dessins animés, les jeux vidéo, films, BD ont très souvent mis en scène la fameuse blague de la peau de banane conduisant à ce comique de situation où une personne glisse sur celle-ci. A défaut d’exploser de rire du fait de son caractère potache, cela porte au moins à sourire. Et bien sachez qu’une équipe japonaise a publié les raisons scientifiques de cette blague inratable dans l’article « Coefficient de friction sous une peau de banane » (« Frictional coefficient under banana skin ») en 2012 dans Tribiology online (Mabuchi, Tanaka, Uchijima, & Sakai, 2012). L’étude, dirigée par Kiyoshi Mabuchi, nous dévoile les raisons physiques de la glissade (et pourquoi il ne sert à rien de tenter la blague avec des pelures de pomme quand vous n’avez pas de banane sous la main).

Pour résoudre ce « mystère », ils ont donc épluché une banane, ont positionné la peau face intérieure sur une surface en lino. Un capteur de force sous ce système complétait le dispositif. Un scientifique, à ses risques et périls, a ensuite marché sur la peau de banane avec ses chaussures à 5 reprises. Grâce au capteur de force, les chercheurs ont pu calculer le coefficient de friction, c’est-à-dire le ratio des forces de friction (qui caractérisent la résistance d’une surface à un mouvement) avec la force verticale appliqué par l’opérateur. Plus ce coefficient est faible, plus la surface est glissante et a une faible résistance à une force verticale qui s’y appliquerait (le pied sur la peau de banane).

En bon scientifiques, ils ont comparé ces résultats en utilisant l’autre côté de la peau de banane, une peau desséchée, des épluchures de pomme de différentes épaisseurs, une peau de citron et de mandarine ainsi que d’autres surfaces que le lino.

Les résultats sont sans appel, avec un coefficient de friction de 0.066, la peau de banane est bien plus glissante que le lino seul (0.412). La peau de banane « lubrifie » la surface en divisant le coefficient de friction par 6 ! Un coefficient similaire a été mesuré sur une surface en bois. En revanche les autres épluchures de fruit, ou le côté extérieur de la peau de banane ont tous des coefficients supérieurs à 0.1 (Fig 1). Cette valeur de 0.1 correspond au seuil en deçà duquel on considère une surface comme glissante. C’est le cas des skis sur la neige ou des cartilages par exemple.


Figure 1 : coefficient de friction moyen de différentes épluchures de fruit sur du lino (après 5 répétitions de l’expérience), les barres d’erreur représentent l’écart type (dispersion des 5 valeurs par rapport à la moyenne, plus celui-ci est grand, plus les valeurs sont différentes les unes des autres).

La preuve est faite par les chiffres mais les chercheurs ne se sont pas arrêtés là (ça serait dommage) : ils ont voulu découvrir ce qui conférait ces capacités glissantes à la peau de banane. En effet, en utilisant une peau desséchée, le coefficient augmente considérablement, jusqu’à 0.329, autrement dit ce n’est plus glissant du tout. En revanche, avec une peau fraîche, le coefficient augmente légèrement avec le nombre de répétition de l’expérience (en utilisant la même peau à chaque fois). Le pouvoir lubrifiant serait donc contenu dans l’eau contenue dans les cellules de la peau, créant un film lubrifiant lors de l’application d’une force. 

Des observations au microscope ont permis de confirmer cette hypothèse, la surface interne de la peau de banane contient une couche folliculaire (structure cellulaire délimitant un sac) de quelques micromètres contenant un gel lubrifiant. Ce gel est alors libéré lorsqu’une personne écrase la peau de banane, conduisant à l’inévitable chute. C’est notamment cette particularité anatomique qui différencie la peau de banane de celle de la pomme, du citron ou de la mandarine pour lesquels ce gel est pratiquement absent.

Cette étude vous permet donc maintenant d’élever considérablement le débat lorsque, pour une énième fois, sera évoquée cette farce potache : vous prendrez le temps d’expliquer les particularités physique et biologique de la peau de banane et d’une simple blague de cours d’école vous pourrez alors placer « coefficient de friction ».

Référence :

Mabuchi, K., Tanaka, K., Uchijima, D., & Sakai, R. (2012). Frictional Coefficient under Banana Skin. Tribology Online, 7(3), 147‑151. https://doi.org/10.2474/trol.7.147