Et si on peignait les vaches avec des rayures de zèbre ?

Et si on peignait les vaches avec des rayures de zèbre ?

Figure 1 : Image d’une vache zébrée de blanc à la peinture pour les besoins de l’étude (© Kojima et al, 2019)

On a eu la vache Milka et sa jolie parure violette, voici maintenant le temps des vaches grimées avec des rayures de zèbre ! Elles ne sont l’égérie d’aucune marque mais les cobayes d’une vraie expérience scientifique aux résultats surprenants. Les rayures leurs permettraient d’être beaucoup moins piquées par les mouches en tout genre. C’est ce qu’ont démontré le Dr Kojima et ses collègues au Japon dans un article paru dans PlosOne en 2019 et intitulé « Les vaches peintes avec des rayures de zèbres peuvent éviter les piqures de mouche » (« Cows painted with zebra-like striping can avoid biting fly attack », Kojima et al., 2019).

En effet, les attaques de mouches ont un effet non négligeable sur les vaches et leur valeur économique dans les fermes qui les exploitent : réduction du broutage, de l’alimentation, mais aussi augmentation des blessures et des comportements stressants pouvant entrainer d’autres blessures par effet domino sur les autres individus du cheptel. Pour résoudre ces problématiques, les chercheurs ont donc décider de dessiner des rayures aux vaches (Fig. 1)…

Mais d’où leur est venue cette idée somme toute originale ? Les chercheurs se sont inspirés d’études sur le zèbre dont les rayures posent question quant à leur rôle dans l’évolution de cet animal. Différentes hypothèses dont le camouflage, perturber les prédateurs, renseigner son identité aux autres zèbres ou réguler la température ont été proposées mais la réduction du nombre d’attaque par les diverses mouches semble rassembler un certain nombre de soutiens scientifiques. Des études ont même testé différents motifs et prouvés que des rayures dont la largeur n’excède pas 5cm ou des pois de 10cm de diamètre maximum réduisent le nombre d’attaque de mouche.

Il en découle alors une hypothèse tout à fait sérieuse, testée dans cet article, proposant que des vaches peintes avec des rayures blanches et noires vont voir leurs nombres d’attaque de mouche réduits, diminuant dans le même temps les comportements de rejet associés. Cette solution pourrait être une alternative plus respectueuse de l’environnement pour contrôler ces attaques, remplaçant les pesticides. 

Une expérience a donc été menée à l’été 2017 et au mois d’Octobre 2018 sur 1ha de prairie du centre de recherche agronomique Aichi à Nagakute au Japon. Six vaches noires ont alors reçu, par pair, différents traitements : elles ont soit été peintes avec des rayures blanches (Fig. 1), des rayures noires ou n’ont pas été peintes du tout ce qui correspond au traitement dit de référence, auquel seront comparés les deux autres traitements. Les rayures ont été effectuées à la peinture à l’eau afin de ne faire aucun mal aux vaches. Pendant 9j, chaque vache sera sujette pendant 3j consécutif au même traitement « peinture », puis expérimentera les deux autres traitements (ceci afin d’éviter un possible effet « individu », une vache attirant par exemple plus les mouches du fait de ses caractéristiques morphologiques ou métaboliques, indépendamment du traitement « peinture »).

Chaque vache a été observée deux fois par jour pendant 30 min, la première observation démarrant 30min après application de la peinture afin d’éviter les effets de séchage et d’attendre que l’odeur se soit dissipée. Des images (toutes les min) ont été prises et les mouches présentes sur le corps et les pattes ont ensuite été comptées.

Et les résultats sont probants : le nombre total de mouche sur les pattes, le corps et la somme des deux est presque deux fois inférieur sur les vaches zébrées de blanc que sur celles aux rayures noires ou sans rayure (Fig. 2). Les chercheurs ont comparé les vaches aux rayures noires et sans rayure mais n’ont pas observé de différence dans le nombre de mouche. En plus de prouver que l’odeur de la peinture n’impacte pas le comportement des mouches (il y aurait plus ou moins de mouche sur les vaches rayées en noir), cela témoigne que la couleur blanche des rayures est responsable de la diminution d’attaque de mouche !

Figure 2 : Nombre total de mouches comptées sur les vaches selon les différents traitements de peinture. Les valeurs P, très inférieures à 0.05 signifie que les différences observées sont statistiquement significatives (© Kojima et al, 2019)

D’autres études semblent expliquer cet effet des rayures blanches par le changement de brillance et de polarisation de la lumière induits par les rayures : les mouches arrivent plus vite sur les bêtes mais n’arrivent pas à décélérer lors de l’atterrissage, ratant alors leur cible. Bien que l’impact visuel des rayures sur les mouches n’est pas été démontré à distance, il semble les perturber au moment d’atteindre les vaches.

Pour rappel, les auteurs de l’étude signalent que les attaques de mouche sont les arthropodes à l’impact le plus négatif sur les troupeaux dans le monde. Leur impact économique aux Etats-Unis par exemple est estimé à 2,211 millions de dollars par an. Or les résultats suggèrent que peindre des rayures sur les troupeaux pourrait être une solution alternative à l’usage des pesticides, chers et polluants. Si la solution semble intéressante, il faut toutefois réfléchir au produit pour peindre le troupeau, afin que celui-ci ne soit pas aussi éphémère que la peinture à l’eau utilisée dans l’étude, mais résistante durant toute la saison d’activité des mouches (3-4 mois).

Est-ce une bonne ou une mauvaise solution, cela reste à voir d’un point de vue pratique pour les éleveurs qui devront peut-être se reconvertir en body painters ! Si vous êtes importuné.e.s par les mouches ou moustique cet été, vous pouvez essayer de vous peindre des rayures, peut être pourrez vous dormir ou profiter d’une soirée plus tranquillement 😉.

Référence : 

Kojima, T., Oishi, K., Matsubara, Y., Uchiyama, Y., Fukushima, Y., Aoki, N., … Kino, K. (2019). Cows painted with zebra-like striping can avoid biting fly attack. PLOS ONE, 14(10), e0223447. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0223447