Évènements extrêmes observés et changement climatique

Évènements extrêmes observés et changement climatique

Anne Sophie Daloz1 (chercheuse) et Balthazar Sellier1 (stagiaire) et la classe de 3ème E du collège Olympe de Gouges de Mme Laetitia Legrand2 (la liste des élèves est mentionnée en fin d’article)

Article original/Original article:

Institution : 1 CICERO, Center for International Climate Research, Norvège
2Collège Olympe de Gouges, 250 chemin du château, 33140 Cadaujac, France

Résumé :

Ces dernières années, les évènements météorologiques extrêmes ont fait parler d’eux de plus en plus dans la société. Preuve en est, en Gironde, les épisodes de canicule, de sécheresse et leurs conséquences : feux de forêt à répétition se sont succédés l’été dernier (2022).

Cet article se propose de revenir sur les dernières études et l’état des connaissances actuelles sur les événements météorologiques extrêmes observés dans un contexte de changement climatique global. Nous allons nous intéresser aux événements extrêmes, par définition rares, et voir comment quantifier la durée, la fréquence et l’intensité de certains d’entre eux, en particulier ceux relatifs aux températures, aux précipitations ou encore aux cyclones tropicaux.

Mots clés : changement climatique ; cyclone tropical ; extrême ; précipitations ; température

I. Introduction

En 2022, l’augmentation de la température moyenne globale s’élevait désormais à +1.15°C par rapport à la moyenne préindustrielle (1850-1900)[1]. Cette élévation de température peut sans aucun doute être reliée aux émissions de gaz à effet de serre d’origine anthropique.

Mais qu’est-ce qu’un effet de serre d’origine anthropique ?

Comme vous le savez peut-être si la température terrestre est en moyenne d’environ + 15°C, c’est grâce à cet effet de serre naturel que nous bénéficions de températures permettant la vie sur Terre. L’atmosphère contient des gaz qui retiennent une partie du rayonnement infrarouge. Le climat clément de la Terre est dû à un équilibre entre l’énergie reçue par le soleil, qu’elle absorbe et celle qu’elle renvoie….

Les activités humaines depuis le début de la révolution industrielle en 1850 ont rejeté énormément de gaz effet de serre, dont le dioxyde de carbone ou CO2. Ce sont ces gaz qui sont responsables de cet effet de serre additionnel…qu’on nomme effet de serre anthropique (Figure 1).

Figure 1 : principe de l’effet de serre (© les auteurs).

Alors une température clémente qui permet la vie, c’est bien mais cette hausse due aux activités humaines, quant à elle, augmente la température moyenne de la Terre et a un impact sur certains événements météorologiques ou climatiques dits extrêmes comme nous allons vous le montrer.

La météo et le climat diffèrent en termes d’échelle spatiale mais aussi temporelle. En effet, le climat correspond à la moyenne des conditions observées sur une vaste zone sur une période d’environ 30 ans, tandis que la météo correspond aux phénomènes ponctuels et plus localisés.

Il y a ainsi plusieurs façons de définir les événements extrêmes qu’il soit météorologique ou climatique. Selon le GIEC, le groupe intergouvernemental d’étude du climat, un évènement météorologique extrême est défini comme « an event that is rare at a particular space and time », nous retrouvons la notion de localisation spatiale et temporelle dont nous parlions précédemment. Quant à un événement climatique extrême, il est défini comme « a pattern of extreme weather that persists for some time such as a season », nous sommes donc sur une temporalité plus longue, une persistance, une récurrence (IPCC, 2021).

Ce qui reste difficile à appréhender est la probabilité de survenue de ces événements. D’un point de vue statistique, l’augmentation de la température moyenne globale a une influence sur les extrêmes en température. Même si statistiquement, ce sont des événements rares, on observera une tendance à la hausse de la fréquence de ces événements avec des températures potentiellement plus élevées. C’est ce qu’illustre la figure suivante (Figure 2).

Dans la suite de cet article, nous ne distinguerons plus les deux cas et parlerons simplement d’événements extrêmes.

Pourquoi s’intéresser à ces événements extrêmes ? En raison notamment de leur impact sur la société, comme nous pourrons le constater. Les conséquences et répercussions sur la société peuvent être importants.

Dans ce contexte, rappelons que définir le risque climatique, ce n’est pas seulement regarder la probabilité de survenue d’un aléa (cyclone, canicule…), mais c’est aussi prendre en compte cette probabilité au regard de l’exposition d’une population et de sa vulnérabilité. Face au même souffle du loup, la maison des 3 petits cochons en brique a mieux résisté ! Mieux comprendre le risque climatique, permet de mieux anticiper et travailler en amont sur les réponses possibles, par exemple en termes d’adaptation.

II. Évènements extrêmes en température

Parallèlement à l’augmentation de la température moyenne globale, la fréquence des températures extrêmes a aussi augmenté. De plus, sur une période qui s’étend sur les 40 dernières années, il est possible de constater d’une part une augmentation des températures maximales mais aussi une augmentation des températures minimales. C’est donc globalement l’ensemble de l’intervalle de températures extrêmes qui est impacté.

Si on regarde au niveau mondial, plus précisément c’est au niveau de l’Amérique du Sud, de l’Europe et de l’Asie que les augmentations sont les plus larges et significatives pour les températures maximales. Quant aux températures minimales, ce sont sur le continent américain, le nord de l’Eurasie ou encore le plateau tibétain qu’elles présentent les plus grandes hausses significatives.

Certaines études montrent même que les températures extrêmes augmentent encore plus rapidement sur la surface terrestre que la moyenne globale (e.g. Seneviratne et al., 2016). Comment expliquer cette tendance ?

Plusieurs facteurs entrent en jeu. D’une part, les continents se réchauffent plus vite que les océans. En effet, l’océan présente une plus grande inertie thermique, c’est-à-dire qu’il est plus lent à se réchauffer en raison par exemple de la forte épaisseur d’eau.

Le taux d’humidité, les nuages, l’albédo ont également un rôle. Par exemple, l’albédo qui correspond au pouvoir de rayonnement d’une surface augmente quand la surface est plus sombre. Ainsi, lorsque la neige fond, il y a plus d’énergie absorbée que renvoyée. Lorsque l’on coupe les arbres avec la déforestation également. Ces phénomènes amplifient le mécanisme de l’effet de serre et du réchauffement climatique : c’est ce qu’on appelle une rétroaction ! Un peu comme un effet domino qui amplifie le problème initial.

Il est aussi important de comprendre que le climat est un ensemble qui présente des disparités régionales, c’est-à-dire des variations qui sont propres à certaines régions. On parle de variabilité naturelle du climat. En dehors de toute cause, de tout phénomène extérieur modificateur, il existe quand même des variations à l’échelle locale, un peu comme un système qui essaie de s’équilibrer en permanence. Localement, on peut donc même observer des évènements qui semblent aller à l’encontre du réchauffement climatique global, par exemple des vagues de grand froid. Ce sont ces exemples régionaux qui peuvent être mal interprétés, servant souvent aux climato-sceptiques pour nier l’existence d’un réchauffement global, alors que ces évènements ne sont pas incompatibles avec le réchauffement de la planète.

L’augmentation des températures extrêmes a des impacts importants sur la société. En effet, l’augmentation des températures est dangereuse pour la santé, amplifie le risque de maladies et de décès et ceux d’autant plus que le taux d’humidité augmente en parallèle. Une chaleur « sèche » est plus supportable pour l’organisme qu’une chaleur avec un fort taux d’humidité. Un des indicateurs souvent utilisés pour mesurer ce type d’évènements est l’humidex. Au-delà d’un certain seuil, il y a danger de mort ! Elle impacte également le fonctionnement de la société en rendant plus difficiles les conditions d’exercice de certains métiers pénibles, notamment ceux s’exerçant en plein air. Elle a pu conduire à la fermeture des écoles, certains jours, lors de la canicule observée en juin 2022 en France.

Ce qui est fondamental à prendre en compte, c’est également le nombre de jours où s’observent ces températures extrêmes. Un événement isolé est gênant mais impacte peu le fonctionnement de la société et n’entraîne pas d’effets aussi néfastes sur la santé. Les vagues de chaleur, en revanche, en se multipliant vont amplifier ces impacts. Il n’existe pas de définition universelle de la vague de chaleur : cela peut varier selon les régions du monde et le climat propre à chaque pays. En France, on parle de vague de chaleur dès lors qu’une valeur quotidienne de la température au niveau national atteint ou dépasse 25,3°C et qu’elle reste élevée pendant au moins 3 jours. Le terme canicule correspond à une période plus longue et surtout implique aussi une hausse des températures nocturnes.

Voyons quels sont les processus qui participent à la création de vagues de chaleur en Europe. Ils sont multiples. Cela peut être dû à des zones de blocages atmosphériques qui font qu’un anticyclone (zone de haute pression) se positionne aux latitudes moyennes et ne bouge pas parfois pendant plusieurs semaines. Elles forment ainsi à ces latitudes une zone de blocage aux potentielles perturbations qui viennent normalement de l’Atlantique. En plus des vagues de chaleur, on peut avoir en parallèle des sécheresses qui peuvent amplifier les hausses de température. Les sécheresses en diminuant l’humidité du sol entraîne un réchauffement plus important.

C’est ce qui a été observé lors de la canicule en 2003 en Europe et en Russie en 2010. De plus, ces phénomènes ont tendance à s’amplifier mutuellement. On retrouve notre idée de domino, la sécheresse amplifie la chaleur qui elle-même amplifie à son tour la sécheresse et le mécanisme peut s’emballer comme cela a été observé aux États-Unis et en Inde en 2022 (Mazdiyasni & AghaKouchak, 2015; Sharma & Mujumdar, 2017).

III. Évènements extrêmes en précipitation

Les mécanismes qui sont à l’origine des précipitations extrêmes sont très complexes, plus que ceux régissant les températures extrêmes. Cela entraîne des variations plus importantes que pour les températures extrêmes, les écarts régionaux observés peuvent être plus importants.

Mais des précipitations extrêmes, c’est quoi en fait ? Première différence importante par rapport aux températures, on ne peut pas avoir de valeurs négatives. Cependant, comme les vagues de chaleur, les précipitations peuvent être extrêmes dans leur intensité, leur fréquence et leur durée. Pour étudier ces précipitations, on regarde la quantité d’eau qui tombe sur une période donnée, sur une zone donnée et on la compare à des valeurs références.

Même si les données sont moins nombreuses que pour les températures, on constate néanmoins que les précipitations extrêmes montrent une tendance à l’augmentation pour beaucoup de régions. On observe également que cette tendance est bien marquée pour l’hiver : 2/3 des stations d’enregistrement établissent ce fait, au niveau mondial (Westra et al., 2013).

Lorsque ces précipitations extrêmes tombent sur certaines régions, elles risquent d’entraîner des inondations. Soit en raison de leur intensité, soit de leur fréquence, soit en raison de leur durée. Parfois, les trois facteurs se combinent même !

Il est possible de distinguer différents types d’inondations. Par exemple, les inondations éclair qui sont la conséquence de précipitations intenses sur une courte durée. Dans la région bordelaise, la tempête Justine en février 2021 et les fortes précipitations associées, ont conduit à de nombreuses inondations dans la ville même de Bordeaux et les communes alentours. Régulièrement en cas de fortes précipitations, la Garonne déborde ! A Bordeaux, avoir les pieds dans l’eau, on connaît ça !

Il existe aussi des inondations dues aux événements extrêmes, déclenchées par de forts cyclones par exemple, où de fortes précipitations tombent en l’espace de quelques heures.

Dans le cas des inondations fluviales, comme à Bordeaux, il existe des moyens d’atténuation. Ceux-ci visent à mettre en place des dispositifs permettant d’atténuer les conséquences. Ces inondations fluviales sont également extrêmement liées aux caractéristiques du milieu (humidité du sol, période de l’année, nature de l’apport…).

Si on s’intéresse maintenant aux précipitations extrêmes mais au sens faible du terme, c’est-à-dire en termes de sécheresse, les choses sont un peu plus compliquées à définir. En effet, en soi un jour sans pluie ne peut être considéré comme un événement extrême. Il y a des jours où il ne pleut pas, depuis toujours sans que cela ne soit anormal ou inquiétant. En revanche, là où le problème se pose et la notion événement extrême apparaît, c’est quand de longues périodes sans précipitations se produisent et ceux d’autant plus qu’elles peuvent être couplées à des températures élevées et peuvent alors conduire à un épisode de sécheresse.

Là encore, le milieu, la région ont une influence sur le déclenchement d’un éventuel épisode de sécheresse. Une région où les sols présentent un fort taux d’humidité résistera mieux qu’une région où les sols sont déjà secs. Ainsi, dans certaines zones, les précipitations faibles conduisent à une sécheresse en l’espace de quelques semaines tandis que dans d’autres, cela prendra plusieurs mois, voire des années…

Comme c’est le cas pour les inondations, il existe différents types de sécheresse (agricoles, écologiques et hydrologiques, nommées selon les secteurs qu’elles affectent). Les sécheresses résultent d’une combinaison de facteurs complexes (précipitations, températures, vent, qualité et gestion des sols…) qui les rendent difficiles à définir et à modéliser pour le futur.

Ainsi dans certaines régions du monde, comme le sud de l’Europe ou l’ouest de l’Afrique, on observe une tendance à l’augmentation des sécheresses. Dans le même temps, ces épisodes semblent diminuer dans le centre de l’Amérique du Nord ou certaines régions de l’Australie (Seneviratne et al., 2012).

Pour autant, une certitude existe. Les activités humaines, via le changement climatique, ont sans conteste un impact sur la fréquence et l’intensité des sécheresse, ainsi que l’aridité des sols.

Pour autant, il ne faut pas oublier qu’en raison du rapport signal/bruit assez faible dans les modèles climatiques, la prévision reste de l’ordre d’un faisceau des possibles. Mais un événement à probabilité faible peut tout de même générer un fort impact, comme lorsqu’une canicule se superpose à une sécheresse persistante durant l’été 2022.

Un rapport signal/bruit assez faible, dans les modèles climatiques, mais qu’est-ce donc, me direz-vous ? Le système climatique est quelque chose d’assez complexe, qui possède une dynamique interne. Cette variabilité interne peut parfois amplifier un événement assez infime au départ. Cette variabilité interne correspond au « bruit » si on s’intéresse à un endroit donné. Parfois, ce bruit s’il est très fort peut perturber ce qu’on appelle le « signal » qui est la réponse à un endroit donné du système climatique aux perturbations humaines. Cela peut rendre le modèle difficile à interpréter.

Un des axes de recherche des climatologues, actuellement, est justement d’étudier la probabilité de survenue de ces événements extrêmes, en prenant en compte cette variabilité interne. Cela permet de générer l’ensemble des états futurs possibles et d’estimer leur occurrence, leur probabilité de survenue.

C’est notamment, ce qu’on fait, Schaller et al. (2016), qui ont fourni la première étude d’attribution d’une inondation. L’attribution consiste à quantifier la part des actions humaines par rapport aux forçages naturels (activité solaire, les émissions des volcans, …), dans la réponse climatique tout en tenant compte de cette fameuse variabilité interne !

En s’appuyant sur de nombreuses simulations de modèles climatiques des inondations hivernales de 2013/2014 dans le sud de l’Angleterre, ils ont pu montrer que l’influence humaine rendait l’augmentation des précipitations tombant dans la région beaucoup plus probable. Ils ont ensuite utilisé un modèle hydrologique et ont également trouvé une augmentation significative de la probabilité de débits de pointe élevés dans le bassin versant de la Tamise en raison de l’influence humaine, bien que l’augmentation soit moins forte que pour les précipitations.

Pour terminer, leur étude, ils ont regardé le nombre de lieux qui pourraient être impactés par les inondations en comparant avec et sans les perturbations humaines. Sur ce dernier point, rien de significatif ne ressort. Cela montre que même si les modèles sont capables de montrer sans équivoque l’influence humaine sur l’augmentation des extrêmes en termes de précipitations, il reste difficile de quantifier réellement l’impact réel sur nos sociétés. En particulier lorsque les impacts ont été atténués (par exemple avec des défenses contre les inondations) ou amplifiés (par exemple en utilisant l’eau pour l’agriculture pendant une période de faibles précipitations) par l’Homme. Ainsi, quelqu’un vivant proche d’une digue pourrait prétendre que les extrêmes n’augmentent pas, qu’il n’est pas plus inondé qu’avant et ce jusqu’au jour où la digue cédera ou sera insuffisante face à l’augmentation des extrêmes !

IV. Les cyclones tropicaux

Qu’est-ce qu’un cyclone tropical ? Nous pourrions le définir comme une vaste tempête accompagnée de fortes précipitations. Les cyclones, ouragans et typhons désignent un phénomène, décrit par Météo France comme « un phénomène tourbillonnaire des régions tropicales, accompagnés de vents dont la vitesse est supérieure ou égale à 64 nœuds, c’est-à-dire 117 kilomètres heure ». Les régions concernées se trouvent entre le 30ème parallèle nord et le 30ème parallèle sud : ainsi le cyclone est-il réservé à l’océan Indien et au Pacifique sud, tandis que l’on parle d’ouragan en Atlantique nord et dans le Pacifique nord-est. Enfin, le typhon ne peut avoir lieu que dans le Pacifique nord-ouest. La nomenclature dépend donc de l’endroit du globe où le phénomène a lieu.

Pour qu’un cyclone tropical se développe, la température de l’océan doit être élevée dans les premiers mètres (environ 60) pour permettre une évaporation intense et des transferts d’humidité de l’océan vers l’atmosphère.

Ce transfert est à son maximum à la fin de l’été lorsque les eaux de surface atteignent 28 à 29 °C. Cette condition thermique est indispensable à la naissance et au développement du phénomène.

Ainsi, il ne se forme généralement pas de cyclones tropicaux en Atlantique sud ou dans le Pacifique sud-est, en partie car c’est une zone où les eaux sont relativement froides. Pour la même raison, les cyclones tropicaux s’affaiblissent rapidement en pénétrant à l’intérieur des terres, où ils ne sont plus alimentés en eau chaude.

Jusqu’en 2010 et le développement d’un ensemble de données appelé International Best Track Archive for Climate Stewardship (IBTrACS, Knapp et al., 2010), aucun enregistrement mondial des cyclones tropicaux n’existait. Plusieurs centres météorologiques géraient les différentes régions du monde utilisant chacun leur propre nom et classification.

L’échelle de Saffir-Simpson a par exemple été développée pour les ouragans aux Etats-Unis. Ils y sont classés en 5 catégories, selon la force des vents maximums. C’est dans l’Atlantique Nord que les données sont les plus importantes avec un recensement existant depuis 1851.

Attention, cependant, tout est relatif, les données satellites n’existent que depuis les années 80 et par conséquent de nombreuses tempêtes n’ont pas été recensées sur de plusieurs régions avant les années 80. C’est pourquoi, on peut estimer que les données ne sont véritablement fiables que depuis 30 à 40 ans. De plus, comme le nombre de cyclones tropicaux par an est relativement limité, on estime que l’échantillon de données est assez faible d’un point de vue statistique.

Cela est d’autant plus vrai pour les extrêmes car les cyclones tropicaux les plus forts sont aussi les moins nombreux, donc on ne dispose que d’assez peu de statistiques les concernant !

Dans l’Atlantique Nord, quelques exemples bien connus de tels évènements sont l’ouragan Katrina, qui a frappé la Nouvelle-Orléans en 2005 ou l’ouragan Harvey qui a touché terre à Houston en 2017. Les deux ouragans ont provoqué des inondations catastrophiques et de nombreux décès. Ces événements correspondent aux catastrophes naturelles parmi les plus coûteuses sur le plan humain comme économique en raison de leurs vents destructeurs, de leurs fortes pluies et des inondations catastrophiques qu’ils provoquent souvent.

Même si des progrès importants ont été réalisés quant à la compréhension de la formation de ces phénomènes extrêmes ces dernières années, il reste encore à affiner les études, ce qui est rendu difficile par le manque relatif de données.

Malgré tout la recherche avance ! Et notamment sur la question du lien entre ces événements, leurs caractéristiques et le changement climatique (Knutson et al., 2019; Knutson et al., 2010; Walsh et al., 2016).

Une des questions qui se pose, en effet, est de savoir, si l’augmentation de la température moyenne des océans a une influence sur les cyclones tropicaux, et par conséquent de savoir également si l’influence de l’activité humaine est détectable dans les observations (T. Knutson et al., 2019). Comme la formation de ceux-ci est liée à la température de l’eau, on pourrait le supposer. Une température plus chaude pourrait amener davantage de cyclones.

En raison des limites liées aux données historiques, les séries chronologiques d’observation des cyclones tropicaux montrent beaucoup moins de preuves d’augmentations à long terme que l’augmentation de la température moyenne mondiale (par exemple, Bindoff et al., 2013).

Comme nous l’avons vu dans les paragraphes précédents pour les extrêmes en température et en précipitations, il est peut-être difficile de démêler l’effet de la variabilité naturelle des changements liés au réchauffement climatique.

Même si on ne détecte pas de changement significatif dans le nombre total de cyclones tropicaux à l’échelle globale, la proportion des cyclones tropicaux de catégorie intense semble augmenter (Elsner et al., 2008; Kossin et al., 2013). Cependant, attribuer ces changements au réchauffement climatique est difficile.

Du point de vue des précipitations cycloniques, bien qu’une teneur en humidité atmosphérique plus élevée ait été détectée dans de nombreuses régions (Roderick et al., 2019), aucune étude observationnelle ne montre une augmentation des précipitations liées aux cyclones tropicaux à l’échelle mondiale.

Ce qui est observé, en revanche aux moyennes et hautes latitudes, est un décalage vers les pôles des trajectoires des cyclones tropicaux pour certaines régions(Kossin et al., 2014). Ce décalage serait partiellement lié à la migration de la zone de formation des cyclones tropicaux (Daloz & Camargo, 2018). De même, il semblerait que les ouragans se déplacent plus lentement aujourd’hui (Kossin, 2018) et pénètrent plus loin dans les terres que les ouragans d’il y a 50 ans. Ainsi, en mars 2023, le cyclone Freddy a parcouru plus de 10 000 km d’est en ouest dans l’océan Indien en 36 jours, devenant le plus long cyclone tropical jamais observé par les météorologues. Mais encore une fois, ces tendances n’ont pas pu être liées à l’influence du changement climatique.

En s’appuyant sur nombreuses simulations de modèles climatiques similaires à celles dont nous parlions pour les inondations hivernales de 2013/2014 dans le sud de l’Angleterre, les scientifiques ont cherché si un lien avec les activités humaines et le changement climatique était décelable. Les résultats ont révélé que le changement climatique a en partie contribué aux précipitations extrêmes des cyclones tropicaux Katrina, Irma et Maria (Patricola & Wehner, 2018). D’autres études récentes ont également montré que le changement climatique a probablement augmenté la probabilité d’occurrence d’événements uniques tels que l’ouragan Harvey qui a touché terre au Texas en 2017 (Risser & Wehner, 2017), l’ouragan Katrina à la Nouvelle-Orléans en 2005 (Irish et al., 2014),et l’ouragan Maria à Porto Rico en 2017(Keellings & Hernández Ayala, 2019). D’autres futures études sur le cyclone tropical Freddy montreront peut-être un lien avec ses particularités et le changement climatique global ?

V. Conclusion

Bien que différents, les événements extrêmes liés à la température, aux précipitations ou encore les cyclones tropicaux intenses, n’en présentent, pas moins, des caractéristiques communes. D’une part, ils sont rares au sens statistique du terme. D’autre part, ils sont synonymes d’impacts souvent importants et graves pour la société. Même si une analyse et un suivi historique sont difficiles à mener compte tenu de la relative rareté des données disponibles aussi bien dans le temps que dans l’espace, il faut néanmoins souligner que les études récentes tendent à montrer un réel impact du changement climatique sur les extrêmes.

En ce qui concerne les extrêmes de température, les données sont plus nombreuses et des zones importantes étudiées. Une tendance à la hausse, notamment en termes de fréquence et d’intensité, des extrêmes en température est observable, dans de nombreuses régions, ce qui peut, dans une large mesure, être attribué au changement climatique d’origine humaine.

Pour les précipitations extrêmes et la sécheresse, la distribution spatiale n’est pas aussi évidente, la variabilité étant plus importante. Cependant, il semble se dégager une tendance à la hausse, les stations où les données montrant une augmentation des précipitations extrêmes étant supérieures à celles montrant une tendance à la diminution.

Pour les cyclones tropicaux, aucune tendance claire n’a été observée en termes de précipitations associées à l’échelle mondiale. Cependant, il semble que leur nombre soit stable, voire en légère baisse mais dans le même temps, on observe, tout de même une accentuation des cyclones les plus intenses.

Ce dont il faut bien être conscient c’est que le changement climatique est une évidence. En 2022, la température moyenne globale avait déjà augmenté de plus de 1.15°C par rapport à la période préindustrielle et cette augmentation se poursuit actuellement. Celle-ci conduira à un impact significatif sur les événements extrêmes au-delà de la variabilité interne propre au système climatique, cela ne fait plus de doute.

Les engagements pris par les Etats en 2015 (COP 21, Paris), révisés en 2021 (COP 26 Glasgow) permettraient de stabiliser voire de légèrement diminuer les émissions de GES avant 2030[1].

Il reste néanmoins un décalage entre ces promesses et les politiques publiques réellement mises en place. De même, il existe un fossé entre une stagnation des émissions mondiales (qui conduirait à un réchauffement de +2°C d’ici 2050 et +3,2°C en fin de siècle) et la très forte baisse à engager rapidement pour atteindre la cible des 1,5°C voire 2°C…

Rien ne sera possible sans une très forte atténuation des émissions de gaz à effet de serre. De plus, compte tenu de l’inertie du système climatique, les répercussions se feront tout de même sentir et il faut également travailler sur des adaptations au changement climatique, aux événements extrêmes en parallèle de cette atténuation des émissions. Notre capacité à en prendre conscience et à réagir constitue là aussi une incertitude !

Références :

Bindoff, N. L., Stott, P. A., AchutaRao, K. M., Allen, M. R., Gillett, N., Gutzler, D., Hansingo, K., Hegerl, G., Hu, Y., Jain, S., Mokhov, I. I., Overland, J., Perlwitz, J., Sebbari, R., & Zhang, X. (2013). Detection and attribution of climate change : From global to regional. Cambridge University Press. http://www.climatechange2013.org/images/report/WG1AR5_Chapter10_FINAL.pdf

Daloz, A. S., & Camargo, S. J. (2018). Is the poleward migration of tropical cyclone maximum intensity associated with a poleward migration of tropical cyclone genesis? Climate Dynamics, 50(1), 705‑715. https://doi.org/10.1007/s00382-017-3636-7

Elsner, J. B., Kossin, J. P., & Jagger, T. H. (2008). The increasing intensity of the strongest tropical cyclones. Nature, 455(7209), Article 7209. https://doi.org/10.1038/nature07234

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Irish, J. L., Sleath, A., Cialone, M. A., Knutson, T. R., & Jensen, R. E. (2014). Simulations of Hurricane Katrina (2005) under sea level and climate conditions for 1900. Climatic Change, 122(4), 635‑649. https://doi.org/10.1007/s10584-013-1011-1

Keellings, D., & Hernández Ayala, J. J. (2019). Extreme Rainfall Associated With Hurricane Maria Over Puerto Rico and Its Connections to Climate Variability and Change. Geophysical Research Letters, 46(5), 2964‑2973. https://doi.org/10.1029/2019GL082077

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Ont participé au travail d’écriture de cet article, en collaboration avec Anne-Sophie Daloz et Balthazar Sellier, chercheur·se en climatologie (par ordre alphabétique) : ALVES Stella ; ASTILLEROS Marc ; AUBRILLOT-SARRZAZIN Arnaud ; BERNET Alycia; CORRIOU Lison ; DELOUBES Laury ; DELPECH Manon ; DRIS Lyna; DUMARTIN Elaia; GLAUNEZ Alexandre; KHOSTEGYAN Maria; MERLIN Sava ; TARDIEU Ludivine ; VIMES Baptiste.

Comment citer cet article : Anne Sophie Daloz, Balthazar Sellier et la 3ème E du collège Olympe de Gouges (Cadaujac, FR), Évènements extrêmes observés et changement climatique, Journal DECODER, 2023-07-12


[1] https://www.iddri.org/fr/publications-et-evenements/billet-de-blog/de-paris-glasgow-comment-la-cop-26-peut-elle-accelerer-la


[1] Aggravation des impacts du changement climatique dans le contexte des huit années les plus chaudes jamais enregistrées | Organisation météorologique mondiale (wmo.int)